Une journée comme une autre venait de s'écouler. Enfin journée... Qu'en savais-je ? Peut être était-ce la nuit la haut ? Le ciel des limbes ne changeait jamais. Il était continuellement grisâtre, sombre et menaçant. On ne pouvait savoir l'heure en le regardant, ni espérer apercevoir une quelconque étoile. Celles-ci ne brillaient que pour les vivants apparemment. Triste destin que celui d'être prisonnier en ces lieux. Mais enfin, on s'y accoutumait. On oubliait notre vie antérieur, et on ne pensait plus qu'au présent. A moins que l'on ne ressasse le passé et se laisse sombrer dans les ténèbres les plus profondes de la salle des miroirs ou du dernier cercle... Mais ce n'était pas mon cas. J'essayais de continuer ma "vie", tant bien que mal. De profiter de cette renaissance, si on pouvait dire. J'étais mort de toute façon, qu'y pouvais-je ? Et puis, la personne qui comptait le plus à mes yeux n'était plus non plus. Alors à quoi bon vouloir y retourner ? Oui, le soleil mordant ma peau de ses rayons brûlants venant irradier le ciel me manquait. Mais je ne le reverrais jamais, alors je devais bien me faire une raison. Surement y avait-il des avantages à être ici, bien que je ne les ai pas encore trouvé depuis que je stagnais en ces lieux ? D'ailleurs, depuis combien de temps étais-je la ? Je ne le savais pas. J'aurais pu mourir il y a un mois comme il y a dix ans, le temps avait perdu sa notion sur moi. Seul son souvenir persistait dans ma mémoire. Celui de l'amour de ma vie.

Je revenais du centre sportif, de la piscine plus précisément où j'avais été me rafraîchir un peu, bien que la température soit loin de la canicule. J'aimais m'enfoncer dans cet élément si insaisissable qu'était l'eau et me laisser porter par elle. C'était... Grisant. J'aimais nager, c'était indéniable. Et puis, l'effort sportif était quelque chose que j'affectionnais particulièrement. Disons que je ne pouvais passer une bonne nuit de sommeil si je ne faisais rien de ma journée. Au moins, ainsi, j'avais l'impression d'avoir accompli quelque chose. De futile, certes, mais tout de même. 

Je m'étais ensuite laissé entraîner dans un chemin, puis un autre, mes pas me portant la où ils voulaient sans que je n'y fasse vraiment attention, jusqu'à l'entrée du parc. Après tout, pourquoi pas ? Le parc Eden était l'un des endroits des Limbes que je préférais. Calme, serein, empli de verdure... Le cadre était d'une beauté simple et naturelle, mais elle revigorait l'âme. Je déambulais dans les allées un instant, humant l'odeur de l'écorce, de la mousse et des fleurs. Un banc me fit de l’œil, et je m'y asseyais, avant de m'y allonger pour observer ce ciel inchangé. Et puis, sans m'en rendre compte, je fermais progressivement les yeux tandis que le sommeil me guettait. Comme l'homme un peu plus loin, tapis dans l'ombre, qui n'attendait que ça pour me faire les poches.

Je sombrais lentement dans des rêves qui me semblèrent doux, dans lesquels une silhouette familière se tenait toujours à mes cotés, m'enlaçant de ses bras frêles tandis que ma tête reposait sur son épaule blanche, et que ses mèches de cheveux chocolats me chatouillaient le visage. J'avais envie que ce songe devienne réel, et que ma vie actuelle soit un songe. Ainsi, je ne serais pas mort. Ainsi, je serais avec elle. Mais... Cela était impossible, et malheureusement, je le savais. Alors je me contentais d'en rêver, chaque nuit, espérant toujours plus que l’envoûtement dure, quitte à ce qu'il m'engloutisse entièrement pour que je puisse rester dans ses bras salvateurs. Malheureusement, comme toute bonne chose a toujours une fin, je fus tirer brutalement de mon sommeil lorsqu'une voix féminine arriva jusqu'à mes oreilles et qu'on me frappa le crane. Le cerveau encore brumeux, et légèrement abasourdi, je me relevais d'un coup en position assise, ne comprenant pas ce qu'il se passait. Mes yeux, ronds comme deux billes, d'un bleu-gris envoûtant vinrent rencontrer ceux de la jeune femme en face de moi, et je la regardais surpris, ne comprenant pas ce réveil en sursaut. 

"B-bonjour ? ..."


J'essayais de me souvenir de ce visage, mais rien à faire, elle ne me disait rien. L'avais-je déjà rencontrer ? Non, assurément. Je n'oubliais pas si facilement les gens, encore moins une femme aux traits agréables. Laissant la surprise de coté, je reprenais mes esprits. Où étais-je ? Au parc. Qu'y faisais-je ? Une ballade jusqu'à ce que je m’endorme sur ce banc. Restait à savoir pourquoi l'on m'avait réveillé. Et de qui venait cette tape. Mais pour le moment, mieux valait rester poli. Je demanderais ce qu'il me manquait en temps voulu.

"Que puis-je faire pour vous ?"


J'avais beau regarder les alentours, je ne voyais pas trop ce qu'il se passait. Il n'y avait pas un chat ! Avait-elle vu un fantôme ? Enfin, un fantôme... N'en étions pas nous même ? Je ne le savais même pas. Et puis pourquoi la tutoyais-je d'abord ? Elle semblait avoir le même âge, voir être plus jeune. Je n'étais vraiment pas réveillé... Avais-je seulement envie d'être éveillé ? Soupirant, je m'ébouriffais les cheveux avant de me lever et de lui sourire agréablement, lui tendant ma main. 

"Artur Svensson, enchanté. A qui ai-je l'honneur ?"

Raven... C'était un joli prénom. Peu commun, mais joli. Il lui allait bien. Je lui serrais donc la main, toujours souriant, observant la nouvelle venue sans savoir vraiment ce qu'elle me voulait, avant d'enfin percuter ce qu'elle venait de débiter deux secondes plus tôt. 

"Me voler ?!"

Ahuri, je me mis à fouiller toutes mes poches frénétiquement, ne sachant même plus ce qu'il y avait dedans si ce n'est mon portefeuille. Qui avait disparu... Soupirant, je me penchais pour regarder sous le banc, avant de détailler les environs et de le trouver sur la pelouse à quelques mètres. Le voleur en question avait du le laisser tomber en détallant à la vue de ma sauveuse. Je l'ouvrais et vérifiait que la photo qui était à l'intérieur y était toujours. Heureusement, c'était le cas, et je ne pu que m'en sentir soulagé. Je ne vérifiais même pas s'il me manquait de l'argent et me retournais pour remercier la gentillesse de cette jeune femme.

"Merci infiniment de m'avoir aidé. Sans vous, je crois bien que ceci ne serait plus en ma possession..."

Je lui souriais chaleureusement, heureux de cette rencontre fortuite mais pour le moins amusante. Je n'avais pas eu l’occasion de discuter avec beaucoup de monde récemment, et je dois dire que cela me manquait. Certes, la situation était un peu extrême, mais enfin bon, qu'importe.

"J'avoue ne pas avoir pensé pouvoir me faire détrousser même mort..." commençais-je sur le ton de la plaisanterie. "Enfin au moins, cela m'aura permit de faire une nouvelle rencontre. On ne croise pas des femmes comme vous à tous les coins de rue."

Mon sourire laissa place a un petit rire, et je l'imaginais accourir pour faire la peau au voleur. Elle n'avait rien d'une femme apeurée, et n'avait d'ailleurs pas hésité à me frapper pour me réveiller. Extrême, mais amusant. Après tout, je n'avais pas eu mal, et je n'avais rien perdu, alors tout allait pour le mieux, non ? Je rangeais mon bien dans ma poche de jean et avisais le banc, sans vraiment avoir envie de m'y rasseoir. Je reportais donc mon attention sur la jolie Raven.

"Comment puis-je vous remercier ?"

J'avais bien remarquer son regard méfiant à mon égard, mais à part rester poli, je ne voyais pas trop quoi faire. C'était les gens qui accordaient délibérément leur confiance, on ne pouvait pas forcer les choses.